
Depuis toujours, nous sommes nombreux à choisir une approche de la santé plus globale, plus douce, plus respectueuse du corps et de ses rythmes. Nous avons choisi de nous entourer de naturopathes, d’herboristes, de conseillers formés, parce qu’ils nous écoutent autrement. Parce qu’ils voient la personne derrière le symptôme. Et surtout, parce qu’ils savent nous orienter dans les nombreuses possibilités du monde naturel — sans imposer, mais en proposant, en guidant.
Or, depuis quelques mois, une nouvelle réglementation au Québec bouleverse discrètement cette relation de confiance. Les naturopathes, mais aussi d’autres accompagnants en santé naturelle, n’ont désormais plus le droit de recommander de produits de santé naturels à leurs clients. Même les plus simples. Même à titre informatif.
Ce n’est pas la pratique de la naturopathie ou des médecines douces qui est directement visée, ni un changement dans le droit d’exercice des professionnels naturels comme les naturopathes, homéopathes, herboristes, etc. Ce qui a changé, c’est plus subtil — et en même temps lourd de conséquences à moyen terme :
Le cœur du changement
Le gouvernement fédéral du Canada, par l'entremise de Santé Canada, a intégré en juin 2023 une modification au sein de la loi budgétaire (projet de loi C-47) :
Une nouvelle définition de « produit thérapeutique » a été ajoutée à la Loi sur les aliments et drogues, incluant désormais les produits de santé naturels (PSN), qui en étaient exclus jusqu’à présent.
Cette définition ne découle pas d’un débat parlementaire ciblé, mais a été intégrée discrètement dans une loi omnibus, ce qui a évité tout processus de consultation publique.
Pourquoi c’est problématique
Cela signifie que :
- Les PSN (comme les plantes, vitamines, suppléments, huiles essentielles, etc.) sont maintenant juridiquement considérés comme des «produits thérapeutiques», au même titre que les médicaments pharmaceutiques.
- Cela ouvre la porte à leur réglementation comme des médicaments, c’est-à-dire avec des normes strictes, coûteuses et souvent inadaptées à leur nature et leur usage traditionnel.
Qui est réellement concerné ?
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce changement ne vise pas uniquement les naturopathes. Il concerne en réalité toute personne qui n’est pas membre d’un ordre professionnel reconnu au Québec.
Selon le Code des professions et la Loi sur la pharmacie, seuls certains professionnels — médecins, pharmaciens, infirmières praticiennes spécialisées ou diététistes membres d’un ordre — ont le droit de recommander un produit de santé à visée thérapeutique.
Cela signifie que sont également concernés : les homéopathes, herboristes thérapeutiques, conseillers en produits naturels, coachs bien-être, et autres accompagnants en santé holistique.
En clair : si vous accompagnez des gens vers un mieux-être, mais que vous ne faites pas partie d’un ordre reconnu, vous ne pouvez plus recommander un produit naturel, ni même en suggérer l’usage ou le dosage — même s’il s’agit d’un conseil bienveillant.
Une mesure qui ne touche donc pas qu’un métier… mais bien un modèle de relation à la santé.
Voici pourquoi cela nous touche, nous aussi
1. Moins d’accès à des conseils personnalisés
Avant, si vous aviez un problème de sommeil ou des douleurs digestives, votre praticien pouvait vous recommander un type précis de magnésium, ou une plante adaptée à votre terrain.
Aujourd’hui, il n’en a plus le droit. Même s’il vous connaît depuis des années. Même s’il sait ce qui vous convient. Même s’il veut simplement vous informer.
2. Perte de liberté de choix éclairé
Ce n’est pas qu’on vous impose un médicament — c’est qu’on vous interdit l’accès à une information éclairante. C’est une forme subtile de restriction de votre autonomie. Vous restez libre d’acheter ce que vous voulez, bien sûr… mais sans l’accompagnement de la personne à qui vous faisiez confiance.
3. Climat de peur chez les praticiens
Beaucoup de professionnels du naturel se taisent par peur d’être dénoncés, sanctionnés ou discrédités. Ils n’osent plus vous parler de ce qu’ils savent, de ce qu’ils utilisent eux-mêmes, ou recommanderaient à leur propre famille.
Cette insécurité juridique crée un climat où le silence devient plus sûr que la bienveillance.
4. Risque d’automédication mal informée
Privé de conseil, que fait le citoyen ? Il cherche sur Google. Il achète ce que l’algorithme lui propose. Ou ce que le commis d’une boutique lui dit à la volée.
Et sans le cadre, sans le discernement, sans la mise en contexte, le risque d’erreur, d’excès ou d’interactions augmente. On pensait protéger. On finit par exposer.
5. Une tension mal assumée entre santé publique et santé naturelle
Ce débat, ce n’est pas “pour ou contre” les produits naturels. C’est une question de confiance. De reconnaissance des approches complémentaires, de leur utilité réelle dans le parcours de soins.
Et pourtant, cette vision se heurte à une structure rigide qui restreint au lieu de réguler avec nuance.
Et en France, alors ?
En France, les naturopathes ne sont pas non plus reconnus comme professionnels de santé. Ils n’ont pas le droit de prescrire, mais la recommandation ou le conseil reste toléré dans une certaine mesure, tant qu’il n’empiète pas sur un acte médical.
Leur cadre est flou, mais leur espace d’action reste possible. Ce qui se passe au Québec pourrait donc résonner aussi de l’autre côté de l’Atlantique, dans un contexte où les approches naturelles sont à la fois populaires… et fragilisées.
En conclusion
Ce qui se joue ici, ce n’est pas un simple ajustement technique. C’est une redéfinition silencieuse du droit à être conseillé autrement.
Chez Conversation Santé, nous croyons qu’il existe une intelligence profonde derrière ce que le corps exprime. Une intelligence qui mérite d’être accueillie avec attention, et soutenue par des personnes qui savent écouter autrement. Ce qui se joue ici, c’est la reconnaissance même de ces accompagnants : de leur présence, de leur expertise, de leur légitimité. Refuser leur parole, c’est nier une forme précieuse de savoir — celle qui met l’humain au centre.
Pour aller plus loin, je vous invite à lire cet article critique de Vitalité Québec Magazine :
Lire l’article complet ici